ISRAËL, ÉTAT EN QUÊTE D'IDENTITÉ
Je remercie mon collègue EPhraim Kleimann, de l'Université hébraïque de Jérusalem,
pour sa précieuse assistance dans la préparation du passage sur l'économie israélienne (chapitre 2).
Photo de couverture :
Le mur des Lamentations à Jérusalem, 1991.
@ Abbas/Magnum
Mise en page:
Pierre Clavère
ISBN 2-203-61032-8 Dépôt légal : avril 1999; D. 1999/0053/173
Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou une reproduction par quelque procédé que ce soit, photographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon passible des peines
prévues par la loi du 11 mars 1957 sur la protection des droits d'auteur.
@ 1999 Casterman - Giunti Gruppo Editoriale, Firenze.
C L A U D E K L E I N
!SRAÊL,
ÉTAT EN QUÊTE D'IDENTITÉ
XXE S I È C L E
INTRODUCTION 7
Chapitre 1 DE L'ÉTAT DES JUIFS À L'ÉTAT JUIF 8
La naissance du sionisme politique 10
Le sionisme politique en action : les premiers pas il
Les premiers heurts 14
Les critiques juives du sionisme 17
L'intervention de l'ONU 20
La création de l'Etat d'Israël 22
Documents ■ Extrait de L'Etat des Juifs de Theodor Herzl 13 M Juifs et Arabes en Palestine avant la création de l'Etat d'Israël 15 M La renaissance de l'hébreu 16 a Ahad Haam : la vérité d'Eretz Israël 18 M Le partage de 1947 (carte) 21 a Extraits de la Déclaration d'indépendance (15 mai 1948) 23
Chapitre 2 LA CONSTRUCTION D'UNE NATION 24
L'héritage mandataire 25
Le pluralisme politique et la proportionnelle 27
La domination initiale du parti travailliste 29
Les partis religieux 31
La droite et ses composantes 33
Les fondements juridiques de l'Etat 34
Le rôle de l'armée 37
L'économie israélienne 39
Documents ■ David Ben Gourion (1886-1973) 27 M La force du parti travailliste avant 1977 30 0 L'évolution globale des partis religieux à la Knesset depuis 1949 31 M Evolution du Likoud de 1973 à 1996 33 ■ Menahem Begin (1913-1992) 36 ■ Effec- tifs de l'armée 37 ■ Tsahal : du mythe à la réalité 39 ■ Le kibboutz : un mythe fonda- teur de l'Etat 43
Chapitre 3 PROFIL DE LA SOCIÉTÉ ISRAÉLIENNE 44
Juifs et Arabes : les chiffres et leur signification 45
Immigration et Etat juif 47
Ashkénazes et séfarades : un clivage culturel et social 51
Religieux et laïques 55
Vers une superposition des clivages 58
Documents ■ Population israélienne selon l'appartenance religieuse 46 ■ Evolution
de la population juive depuis 1948 47 0 Les grandes vagues d'immigration 48 ■ La
loi du Retour (1950) 50 M Population juive selon les origines 53 M Evolution de la fré-
quentation des écoles religieuses et laïques 56 ■ Statistiques des élections du 29
mai 1996 61 ■ Elections à la Knesset depuis 1977 62-63
Chapitre 4 L'AFFIRMATION PAR LA GUERRE (1948-1973) 64
La guerre d'Indépendance 65
Les conséquences de la guerre d'Indépendance 69
Le problème des réfugiés 72
La campagne de Suez (octobre 1956) 74
La guerre des Six Jours (juin 1967) 77
La guerre du Kippour (1973) 80
L'image d'Israël 82
Documents ■ Les frontières de l'armistice (carte) 69 ■ Le massacre de Dir Yassin 73 M La campagne de Suez : chronologie des événements 75 M Les territoires occu- pés en 1967 (carte) 77 0 Les résolutions 242 et 338 du Conseil de Sécurité 78 ■ Population palestinienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza 79 M Chronologie de la guerre du Kippour 81 ■ Golda Meïr (1898-1978) 82
Chapitre 5 LA RECHERCHE DE LA PAIX 84
La droite au pouvoir (1977) 85
Vers la paix avec L'Egypte et la Jordanie 87
L'obstacle syrien 90
Le bourbier libanais 91
Du terrorisme à l'Intifada 94
Vers Oslo et la reconnaissance réciproque: le grand espoir 96
Entre hostilité et euphorie 98
Les enjeux réels 100
Documents ■ La colonisation israélienne dans les territoires occupés 95 ■ Itzhak Rabin (1922-1995) 97 ■ Déclaration de principes 98 ■ Les événements depuis la signature de l'accord d'Oslo 100 ■ La position du parti travailliste 101 a La position du Likoud 102-103
Chapitre 6 LA CRISE DE LA SOCIÉTÉ ISRAÉLIENNE 104 Une réforme institutionnelle originale: l'élection du Premier ministre
au suffrage universel 106
Du kibboutz à l'Homo hebraicus: le Tsabar et sa disparition 109
Les nouveaux historiens 112
Du débat constitutionnel à "l'Etat juif et démocratique" 115 Documents ■ Evolution de la représentation des deux grands partis depuis 1965 106 ■ Le choc du procès Eichmann 113 ■ Les lois fondamentales 116-117 0 La frac- ture idéologique entre laïques et religieux 118-119
Annexes
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE 123
CHRONOLOGIE 124
INDEX DES NOMS DE PERSONNES CITÉES 125
Israël : les cinquante premières années
A l'approche du XXIe siècle, soit plus de cinquante années après sa tumultueuse création, l'Etat d'Israël traverse une période paradoxale. Voici un Etat qui, après avoir connu les guerres et le terrorisme, après avoir été en partie au ban des nations, parvient enfin à signer la paix avec certains de ses voisins (l'Egypte et la Jordanie). Un Etat moderne, à la pointe de la recherche technologique et médicale, dont l'économie a pu, au milieu des années quatre-vingt, se remettre d'une inflation galopante (de plus de 250%) et qui assure désormais à ses citoyens un revenu annuel moyen (par habitant) proche des pays européens. Et pourtant, au moment même où il fête son cinquan- tenaire, l'Etat d'Israël traverse une période difficile que l'on ne saurait comprendre que comme véritable crise d'identité. Celle-ci se manifeste d'abord par un affrontement des populations d'origines diverses, dont on avait cru qu'elles s'étaient fondues pour former un Homo hebraicus nouveau, ensuite un choc entre des conceptions religieuses qui plongent au plus pro- fond du Moyen Age et des milieux qui vivent déjà dans un postmodernisme de pointe. A cela il faut ajouter l'impossibilité pour certains de renoncer au mythe d'un Grand Israël retrouvé et qui s'arc-boutent sur un nationalisme mystico-messianisant qui a pu conduire à l'assassinat d'un Premier ministre. Enfin, pour d'autres, l'écroulement de certains mythes (dont par exemple le kibboutz, certainement la création la plus originale du sionisme) est le symbole même de la crise des valeurs. Certes, la crise des valeurs n'est pas un élément propre à Israël, mais elle y a pris une dimen- sion particulière qui ne peut que s'expliquer à la lumière des mythes fondateurs encore bien récents.
Tout se passe comme si le pays tout entier avait perdu une partie de ses repères traditionnels. Par ailleurs, le champ des valeurs communes n'a cessé de diminuer. L'espace public commun à tous est rem- placé par une série d'espaces publics particuliers.
Ce petit ouvrage voudrait faire le point sur cette série de profonds paradoxes qui secouent la société israélienne, en suivant systématiquement son évolu- tion depuis la création de l'Etat.
Chapitre 1
DE L'ETAT DES JUIFS
À L'ÉTAT JUIF
C'EST AU DÉVELOPPEMENT DE L'ANTISÉMITISME MODERNE QUE FAIT ÉCHO L'APPARITION D'UN NOUVEAU NATIONALISME, LE SIO- NISME POLITIQUE, EN 1897 : VINGT ANS PLUS TARD, LA DÉCLARATION BALFOUR ENCLENCHE LE PROCESSUS QUI MÈNERA À LA CRÉATION D'ISRAËL, APRÈS LA SHOAH.
A
u cours du XIXe siècle, l'antijudaïsme traditionnel se transforme progres- sivement en pays chrétien. C'est l'émancipation juridique des Juifs qui a provoqué cette mutation. Elle en est le contrecoup. En Europe occidentale, les Juifs pénètrent la société civile, quand ils s'en approchent à peine en Europe orientale. On peut presque dater l'appa- rition de i'antijudaïsme moderne, qui prend le nom d'anti- sémitisme. En effet, c'est en 1879 que le publiciste allemand Wilhelm Marr utilise le terme pour la première fois dans s e s Libres cahiers antisémites, en même temps que son opuscule, Le triomphe du judaïsme sur le christianisme, considéré d'un point de vue non reli- gieux, indique clairement le contenu nouveau du senti- ment antijuif. Nourri par les doctrines raciales de Gobi- neau ainsi que par les recherches linguistiques (sur les langues aryennes opposées aux autres langues), l'anti- sémitisme moderne est né. Il se déploie dans tous les domaines, y compris dans la musique (cf. l'opuscule de Richard Wagner sur le Judaïsme dans la musique, publié d'abord de manière anonyme en 1850, puis sous son nom en 1869). En France, dès avant l'affaire Dreyfus, c'est en 1886 que paraît la première édition de La France juive d'Edouard Drumont. Cet énorme ouvrage en deux volumes a connu plus de cent rééditions. C'est l'un des plus grands succès de librairie de tous les temps.
Cependant, la question juive, comme on l'appelait alors, se pose avant tout en Europe orientale et cen- trale. Dans l'Empire russe, mais aussi dans l'Empire
Après l'adoption par l'ONU de la résolution sur le partage de la Palestine (29 novembre 1947), la foule manifeste sa liesse à Tel-Aviv. Mais les pays arabes ayant rejeté le plan de partage, la guerre éclate au moment du départ définitif des Britanniques, le 15 mai 1948. A l'issue de la première guerre israélo-arabe, Israël occupe 80 % du territoire palestinien, contre les 62 % prévus par le plan de l'ONU.
Ph @ L'illustrationISygma
En haut: Edouard Drumont (1844-1917), grand prêtre de l'antisémitisme français.
Ci-dessus : à Vienne, Karl Lueger (1844-1910) est élu maire en 1897, sur un programme antisémite.
2 P/i @ '/tlustrationjSygma
austro-hongrois, existent de très grandes concentrations de masses juives. Celles-ci subissent un antisémitisme croissant qui explose parfois, ainsi qu'en témoignent les grands pogromes de Russie, les accusations de meur- tre rituel et les procès spectaculaires qui les accompa- gnent. En même temps, Vienne, la capitale de l'empire des Habsbourg, devient un véritable laboratoire d'assi- milation juive. Les Juifs y affluent par dizaines de mil- liers. La réaction sera violente et rapide : en 1897, l'empereur François-Joseph doit se résigner à ratifier l'élection de Karl Lueger au poste de maire de la ville sur un programme principalement antisémite. Lueger restera maire jusqu'à sa mort en 1910. Hitler, arrivé à Vienne en 1907, fut l'un de ses grands admirateurs.
La naissance du sionisme politique
C'est à la transformation du sentiment antijuif en anti- sémitisme que fait écho l'apparition du sionisme. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle paraissent plusieurs brochures qui préconisent un retour à Sion ou la créa- tion d'un Etat. Le pas décisif est franchi par Theodor Herzl (1860-1904). Celui-ci, correspondant à Paris du plus grand quotidien viennois, est un observateur atten- tif de cet antisémitisme qui se développe rapidement, en France, après l'affaire Dreyfus. Il assiste à la dégra- dation du capitaine Uanvier 1895). En février 1896, il publie Der Judenstaat, c'est-à-dire L'Etat des Juifs (et non l'Etat juif comme les premières traductions l'indi- quaient), grand manifeste fondateur du sionisme poli- tique. Cette parution est suivie, un peu plus d'un an plus tard, de la tenue du premier congrès sioniste mon- dial (Bâle, 29 août 1897). Herzl en devient le président, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort prématurée en juillet 1904, à l'âge de quarante-quatre ans.
Son analyse est simple : il n'y a aucune possibilité d'assimilation des Juifs. L'antisémitisme est inéluctable et aura nécessairement des conséquences catastro- phiques. Il faut, de toute urgence, organiser un refuge pour les Juifs. Herzl semble ainsi avoir une prémonition du sort des Juifs quarante années plus tard. Son ouvrage est un véritable cri d'alarme. Pour lui, il y a péril en la demeure. La seule solution possible est la solution poli- tique, c'est-à-dire celle d'un Etat pour les Juifs, en Pales-'
Les chiffres en romain renvoient au texte courant, les chiffres en italique aux légendes, les chiffres en gras aux documents.
A
Abdallah (Ibn Hussein) 73 Adenauer (Konrad) 27 Alexandre II 11 Anders (Wladyslaw) 36 Arafat (Yasser) 92, 94, 97,
97, 98, 99, 100 B
Balfour (Arthur James) 12, 13, 15, 23, 86 Barak (Ehud) 39
Begin (Menahem) 16, 32, 33, 36, 36, 63, 67, 83, 85, 86, 86, 88, 88, 90, 92, 93, 95, 110, 113, 113, 114, 116
Ben Gourion (David Grin, dit) 22, 23, 25, 27, 27, 30, 31, 38, 67, 68, 73, 74, 76, 79
Ben Yehouda (Eliezer) 16 Bernadotte (comte Folke)
67
Bettelheim (Bruno) 43 Bunche (Ralph) 68 C
Cahana (Meïr) 67 Carter (James Earl,
dit Jimmy) 88 Churchill (Winston) 15 Clinton (William Jefferson)
dit Bill) 97 D
Dayan (Moshe) 39, 39, 63 Dreyfus (Alfred) 9, 10 Drumont (Edouard) 9, 10 E
Eichmann (Adolf) 110, 112, 113
Eisenhower (Dwight David) 75
Eytan (Rafael) 63 Eshkol (Lévy) 82 F
François-Joseph 10 G
Gemayel (Béchir) 93 Ginzburg (Ascher), dit Ahad
Haam 17, 1 8 , 1 8 , 19 Gobineau (Joseph Arthur
de) 9 Grin (David) voir
Ben Gourion H
Haam (Ahad) voir Ginzburg Hausher (G.) 112
Herzl (Theodor) 10, 11, 12, 13, 18, 23, 33
Hitler (Adolf) 10
Hussein (Ibn Talal) 89, 95 J
Jabotinsky (Vladimir Zeev) 33, 33, 36
Jarring (Gunnar) 77 K
Kook (Avraham Itzhak Hacohen) 119 L
Lueger (Karl) 10, 10 M
Marr (Wilhelm) 9
Meïr (Golda) 81, 82, 82, 82 Montagu (Lord) 14
Mordehai (Itzhak) 39 Morris (Benny) 112 N
Nasser (Gamal Abdel) 70, 74, 75, 75, 76, 77 Netanyahou (Benjamin) 30,
39, 61, 61, 62, 96, 100, 100, 107, 108, 1 0 8
0
Oz (Amos) 39 P
Peel (Robert) 15
Peres (Shimon) 30, 61, 61, 107, 108
R
Rabin (Itzhak) 30, 32, 39, 81, 87, 89, 90, 96, 97, 97, 98, 98, 99, 100, 100, 1 0 7
Rachlevsky (Seffi) 119 S
Sadate (Anouar al-) 87, 88, 88
Schah (rabbin) 118, 118 Segev (Tom) 112
Shamir (Itzhak) 83, 96, 105 Sharon (Ariel) 39, 63, 81, 92 Sharon (Flatto) 63
Shlaïm (Avi) 113
Staline (losif Vissarionovitch Djougachvili, dit) 16 T
Tsvi (Sabbataï) 19 W
Wagner (Richard) 9 Weizmann (Chaïm) 26, 28 Weizmann (Ezer) 39, 63, 99 Y
Yadlin (A.) 30